Pourquoi t'es-tu rasé les sourcils ? grande bête !
C'est pour les remplacer par un trait au pinceau ?
As-tu, dans un miroir, bien contemplé ta tête ?
Trouves-tu maintenant ton visage plus beau ?
Peut-être as-tu voulu, linot fol et fantasque,
Transformer ton minois, te métamorphoser;
Peut-être voulais-tu, pour moi, changer de masque,
Pour tes adorateurs, te singulariser...
Ces beaux sourcils épais, en parant ton visage,
Ajoutaient à l'éclat de tes yeux noirs de jais.
La mode ?...Ah ! te voilà maintenant à la page.
Pourquoi t'es-tu rasé tes beaux sourcils épais ?
Ce trait artificiel au-dessus de l'orbite,
Rectiligne et très long, te donne un air trop dur.
Tu n'as qu'à regarder ma mine déconfite
Pour avoir l'avant-goût de ton succès futur.
Toi, qui n'étais que rire et que grâce féline,
Toi, dont l’œil pétillait plein de vivacité,
Examine au salon ces potiches de Chine:
Ton sosie est peint là, dans sa solennité.
Ces Chinoises sans vie, aux poses flegmatiques,
Je ne les aime pas. Sans vouloir te froisser,
Je dis que, copiant leurs yeux hiératiques,
Tu t'es fait un visage apathique et glacé.
Reprends ton air mutin; reste une midinette.
Je souffre de te voir ce visage niais.
Si tu ne veux passer pour folle snobinette:
Laisse donc repousser tes beaux sourcils épais.
***
J'extrais ce poème de: "Fantaisies" dans "Les Méandres du Coeur." Alphonse BEDOUCH. Librairie G. COULON. PARIS. 1933. Page 88-89.
Je ne possède, pour le moment, aucun renseignement sur cet auteur. Un grand merci d'avance à ceux qui en sachant plus me feraient part de leurs connaissances.