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5 septembre 2008 5 05 /09 /septembre /2008 16:34

J'ai pleuré des larmes amères:
La douleur m'a beaucoup appris;
Car, dès mon berceau, j'ai compris
L'abandon des enfants sans mères.

A dix-huit ans, d'un rêve épris,
J'ai rimé des vers éphémères:
J'ai pleuré des larmes amères,
La douleur m'a beaucoup appris.

J'ai perdu mes espoirs chéris
Gâtés par des baisers sommaires;
J'ai donné, débris par débris,
Tout mon esprit à des chimères;
Je n'ai plus même de mépris:
J'ai pleuré des larmes amères.




Extrait de: "Anthologie des Poètes Français Contemporains. 1866-1914."  Par G. WALCH. Paris Librairie DELAGRAVE. 1927.
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5 septembre 2008 5 05 /09 /septembre /2008 16:15
Soleil, que tu es beau sur les prés et la plaine;
Que cet air a bon goût dont ma poitrine est pleine !

Te voici, ma maison, face au vent, sous les branches,
Avec ton vieux toit roux et tes murailles blanches.

Le coq, en m'entendant, a chanté dans la cour,
Et des fleurs ont éclos pour fêter mon retour.

Le laurier du jardin sur son vieux banc m'accueille;
Les abeilles vont boire au creux des jeunes feuilles.

Et le vent des lointains, dans le silence rose,
M'apporte la rumeur indistincte des choses.

                                                              (Le Buisson Ardent)


Extrait de: "Florilège Poétique de Phileas LEBESGUE."-"L'Amitié par le Livre."- Les Primaires Paris. 1933.

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5 septembre 2008 5 05 /09 /septembre /2008 15:51
Avec tes multiples ciseaux,
Tu découds les lés de la plaine (1),
Rude ouvrière,
Au pas nerveux des cheveaux
Dont le poil luit sous l'écume,
Ou plutôt
Tu es une main énorme d'acier dur,
Qui ceuille
A même le pré,
Fleur à fleur et feuille à feuille,
De quoi tisser,
Dans un cliquetis de navette affolée,
De longs rubans parallèles,
Pièce d'étoffe en hâte ourdie (2) et déroulée
Où le soleil
Jette à flots son or,
Comme en un giron vermeil,
Où sont les marchands pour un tel trésor ?

                                                                                             (Les Servitudes)

(1) La faucheuse coupe de longues bandes parallèles; le poète compare chacune d'elles à une étoffe déroulée. Le lé est la largeur uniforme d'une pièce entre deux lisières.
(2) Les fils en sont les tiges des plantes rapidement coupées et ourdies, c'est à dire disposées et comme tissées par la faucheuse.

Les notes sont celles de l'édition mentionnée.


Extrait de: "Florilège Poétique de Phileas LEBESGUE." -"L'Amitié par le Livre."-Les Primaires Paris. 1933.

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5 septembre 2008 5 05 /09 /septembre /2008 14:43

Aie une âme hautaine et sonore et subtile,
Tais-toi, mure ton seuil, car la lutte déprave;
Forge en sceptre l'or lourd et roux de tes entraves,
Ferme ton coeur à la rumeur soûle des villes;

Entends parmi le son des flûtes puériles
Se rapprocher le pas profond des choses graves;
Hors la cité des rois repus, tueurs d'esclaves,
Sache une île stérile où ton orgueil s'exile.

Songe que tout est triste et que les lèvres mentent.
Et si l'heure en froc noir érige du silence
Les lys où mainte femme encor boira ton sang,

Marche vers l'inconnu, peut-être vers le vide,
Dans l'ombre que la Mort effarante en fauchant
Du fond des horizons projette sur la Vie.


 Extrait de: "Premiers et Derniers Vers"-"Le sang des Crépuscules". Charles GUERIN. Paris. Mercure de France. 1923.
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2 septembre 2008 2 02 /09 /septembre /2008 14:41
Elle est bien morte maintenant, la voix des orgues
Qui rappelait les souvenirs d'anciennes choses;
A l'an prochain d'autres noëls, les orgues dorment.

Elle prie, elle a froid dans ses fourrures chaudes,
Se sentant refleurir au coeur les amours mortes
Elle écoute l'Esprit du Passé qui chuchote.

Les bannières dans une ondulation lente
Flottent encor... puis tout devient rigide et calme.
Des visages fanés et des visions vagues
Passent, rêve lointain, sur les murailles blanches;

Elle songe qu'ailleurs, à la même heure, l'âme
Du seul Ami prie et souffre en silence,
Et triste infiniment, se cachant de la lampe,
Elle a mis son front dans ses mains et fond en larmes.



Extrait de: "Premiers et derniers vers". Charles GUERIN. Mercure de France. 1923.
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2 septembre 2008 2 02 /09 /septembre /2008 09:32
Dans un lourd secrétaire aux formes surannées,
Au fond d'un vieux tiroir qui défend de l'oubli
Le trésor du passé, dans l'ombre enseveli,
J'ai retrouvé ce livre entre deux fleurs fanées.

Pauvre alphabet ! Reflet de mes jeunes années...
Parfum vague et vieillot. Pages gardant un pli.
...Oui, je crois te revoir, cher fantôme pâli
Du bien-aimé grand-père aux rudes mains tannées.

Ton regard clair et bon, malicieux parfois,
Se posait sur l'enfant dont la timide voix
Epelait sa leçon, sous ton doigt, près de l'âtre.

Le temps rongeur pourra s'appliquer à ternir
L'image de l'aïeul au doux regard bleuâtre;
Je sais où retrouver, vivant, son souvenir...



Extrait de: "Sur les sept doubles cordes". Nouvelle anthologie des Etudes Poétiques publié sous la direction de Martin Saint-RENE. Paris. Bibliothèque des Etudes Poétiques. Librairie H. LE SOUDIER. 1933.



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2 septembre 2008 2 02 /09 /septembre /2008 09:11

Sur les flots somnolents, sous un ciel attisé,
Le trois-mâts immobile et les voiles pendantes
Implore, dans un calme aux torpeurs excédantes,
La pitié d'un Noroît hier stigmatisé.

Le double azur pâlit, se tait comme épuisé
Sous un soleil farouche aux étreintes ardentes,
Sans qu'une brise vienne, aux fraicheurs des andantes,
Délivrer de l'éteau l'éther brutalisé.

Les hommes, endormis dans une ombre chauffée
Où le feu du zénith entre encor par bouffée,
Rêvent de coeurs tendus pour les mieux recevoir;

Cependant qu'anxieux le chef sur la dunette,
Surveille l'horizon, le scrute pour y voir
Le vent naître, accourir, gonfler foc et bonnette.


Extrait de: "Sur les sept doubles cordes". Nouvelle anthologie des Etudes Poétiques publié sous la direction de Martin Saint-RENE. Paris. Bibliothèque des Etudes Poétiques. Librairie H. LE SOUDIER. 1933.

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31 juillet 2008 4 31 /07 /juillet /2008 21:12
Un coquin de parfum gagne de proche en proche,
Un parfum à la fois subtil et nourrissant
Et tel que, si j'en crois mon odorat puissant,
C'est un gigot à l'ail qui ronronne à la broche.

Comme il est cuit à point, vite qu'on le décroche;
Je n'ai jamais rien vu de plus attendrissant;
Pour ne pas être ému devant ses pleurs de sang
Il faudrait, sur mon âme, avoir un coeur de roche.

Dites-donc à du veau qu'il vous en pleure autant,
Madame, tra la la ! Mais sans perdre un instant
Si nous en effeuillions quelques légers pétales;

Car ta chair n'est que rose et que coquelicots,
O suave bouquet de viande qui t'étales
Sur ton lit prégerré d'onctueux haricots !


Extrait de: 3Gazettes Rimées" Le rameau d'Or chez H. LARDANCHET. 1947.
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28 juillet 2008 1 28 /07 /juillet /2008 21:33

Le soir a tendu de sa brume
Les peupliers de Kéranroux,
La première étoile s'allume;
Viens-t'en voir les peupliers roux.

Fouettés des vents, battus des grêles,
Et toujours sveltes cependant,
Ils lèvent leurs colonnes grêles
Sur le fond gris de l'occident.

Et dans ces brumes vespérales
Les longs et minces peupliers
Font rêver à des cathédrales
Qui n'auraient plus que leurs piliers.


Extrait de: "Anthologie des poêtes français contemporains (1866-1914)". Paris. Librairie DELAGRAVE.

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28 juillet 2008 1 28 /07 /juillet /2008 20:47
Ils sont revenus, les morts, tous les morts de la vie,
Ils sont revenus, je les ai vus, en grande colonne,
A travers le printemps, traînant leur bagage,
Et devant eux marchait le bourreau,
Grand, large et gros, avec tant de chair autour de ses os,
Comme un sac de farine, comme un sac plein d'abats,
Avec son odeur de bourreau qui sent le suint et l'eau de Cologne,
Et qui semble son propre bagage,
Et qui pourtant portait son bagage,
Ils allaient à travers les jardins, et chantait un oiseau,
A travers les chemins, et passaient les corbeaux,
A travers les vilages, une cloche sonnait,
Et le bourreau portait son bagage,
Une potence en chêne, une grande potence,
Il chantait tout bas, se donnait du courage,
L'air est pur, la route est large,
Ou encore; Ya d'la goutte à boire là-haut !
Ils sont revenus les morts, ils se sont arrêtés chez le bistrot,
On jouait au zanzi, à la belote, aux dominos,                                (Note: le zanzi est un jeu de dés)
Le bourreau disait: Dominus vobiscum,
Le bistrot disait: Encore une tournée,
Encore une tournée, disait le bourreau,
Encore une tournée, disaient les morts,
Une tournée, une dernière tournée,
La der, la der des der, disaient les morts.
Ils avaient leur bagage au milieu du village,
Ils ont déposé leur bagage,
Et tous étaient là, le vin au coin des lèvres,
Le vin au coin des yeux,
Le vin, les dés, les cartes dans le ventre,
La lâcheté, la misère, le contentement,
Et ronfler ce soir, la bouche ouverte, les pieds gras,
Ils étaient là et demandaient aux morts:
Ah ! Vous voilà ? - Oui, disaient les morts.
Et qu'est-ce qu'il y a dans votre bagage ?
Un oiseau, dit un mort.
Une fleur, dit un mort.
Une musique, dit un mort. 
Mais comme il est lourd votre bagage ?
Et riait le bourreau qui portait une grande potence,
Légère, si légère,
Comme un oiseau, 
Comme une fleur, 
Comme une musique.
Et le bistrot disait:
Une tournée, encore une tournée, j'offre une tournée,
Une tournée aux morts et à tous les morts,
S'ils ouvrent leur bagage ?
Alors des rangs est sorti un mort,
Ses os cassés étaient racommodés avec une ficelle,
Sa tête brûlée n'avait plus de cervelle,
Il ouvrit la malle, une vieille malle d'autrefois.
Elle avait fait tant de voyages,
En Russie, en Bohême, en Pologne, en Grêce,
Un vieux bagage,
Plein de poussière, de sang, de boue, de crasse,
Et ils riaient doucement, les morts,
Et le bourreau demandait à boire,
Et le bistrot souleva le couvercle
Elle était belle, elle était nue,
Elle était jeune, elle était pure,
Elle était comme un oiseau,
Comme une fleur nue,
Comme une musique légère,
C'était la Liberté.  
Et les morts ont demandé:
Maintenant, frères, qu'est-ce que vous allez faire ?                                    



Extrait de la revue "Fontaine". 6ème année. Tome 8. N°43. Edition d'Alger. 1945.
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