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7 février 2019 4 07 /02 /février /2019 11:59

 

Quel est ce bruit qu’on entend

Dans la nuit funèbre ?

Debout, tout le monde attend,

Scrutant la ténèbre.

Un souffle doux, un bruit de pas…

N’entendez-vous pas les gars,

N’entendez-vous pas ?

Qui rôde ainsi dans la plaine ?

Un caillou vient de rouler,

Un fil de fer a tremblé.

Qui parle ? Nul n’a parlé !

Silence… Il y a là quelqu’un qui se promène.

Oh ! ce noir sur nos yeux qui tire ses verrous,

Avec ce bruit de pas et ce souffle si doux,

Maléfique inconnu complotant contre nous,

Aveugles de la nuit frémissant dans leurs trous.

L’espoir soudain s’accroche au vol de la fusée.

Combien d’yeux sont épars sous la lueur rosée ?

Personne…on ne voit rien dans la plaine embrasée.

Et c’est la nuit, avec toujours le même bruit.

Quelqu’un a gratté la terre,

Quelqu’un par là

Rampe le long des cratères.

N’entendez-vous pas les gars,

N’entendez-vous pas ?

Est-ce enfin l’ennemi qui vient pour nous surprendre,

Un patrouilleur hardi cherchant à nous entendre ?

Sur les fusils les doigts nerveux sont accrochés.

Une seconde encore et les soldats penchés

Vont cribler l’ombre de leurs balles.

Mais la fusée au glissement si long, si doux,

Oiseau de feu qui danse autour d’un halo pâle,

Trahit les mille coins de la plaine infernale.

Personne… On ne voit rien dans l’herbe ou dans les trous.

Et c’est la nuit, avec ce bruit qui recommence.

Silence ! Silence ! Silence !

Quelqu’un s’est approché de nous

Dans le silence.

N’entendez-vous pas les gars,

N’entendez-vous pas ?

Il est là, dans nos rangs qui s’insinue et passe,

Vous l’entendez aussi car vous serrez les dents.

L’ombre devient plus froide, le vent glace.

Une espèce d’hiver traîne sur le redan.

Nul ne parle, on respire à peine.

Qu’est devenu celui qui venait de la plaine ?

S’est-il soudain dans la tranchée évanoui ?

La stupeur du silence a desséché le bruit

Mais l’angoisse est entrée pour longtemps dans les veines…

Oh ! lequel d’entre nous doit mourir cette nuit ?...

 

                               ***

 

Ce texte est tiré de l’ouvrage Anthologie des Matinées Poétiques de la Comédie Française, publié par Louis PAYEN – 1ère Année – Saison : 1920-1921 – PARIS – Librairie Delagrave – 1923 – P.222-225.

Les éléments biographiques disponibles sur ce poète sont succincts aussi je reproduis ci-dessous la courte notice qui précède ses textes dans l’ouvrage cité. Elle est signée Sébastien-Charles LECONTE.

« L’un des meilleurs et des plus fiers poètes de la jeunesse nouvelle, Henry-Jacques, dans la vie, comme dans son art, est une énergie.

Né à Nantes en 1886, hanté tout enfant de l’esprit d’aventure, de la passion de la mer, il s’engage comme mousse, sur un voilier au long cours, et le voilà bourlinguant sur les grandes houles, de Behring au cap Horn.

Débarqué, les heures qu’il arrache au chantier maritime, il les consacre au journalisme et aux lettres.

Voici la guerre !...Simple fantassin, grenadier, caporal, trois fois blessé, Henry-Jacques porte sur son sac son Journal de guerre qu’il écrit et titre lui-même et qu’il composa de poèmes et de proses.

Les poèmes, c’est Nous…de la Guerre, livre d’une beauté terrible, terrible de vérité.

Son succès a été consacré par le grand prix Corrard, réservé à un combattant.

La prose, c’est la Vallée de la Lune, vision fantastique et conte réaliste, du Voltaire corrigé par Edgar Poë.

Ses expériences de marin nous ont valu Jean Costebelle Matelot, étude de l’homme de mer redevenu terrien.

Nous attendons de lui son nouveau livre :

La Symphonie Héroïque, qui est le grand poème d’ensemble de la grande guerre, vision épique de cette Apocalypse vécue, et pour de bon, par le poète, vision d’un réalisme farouche, d’une violence vengeresse, digne de l’inexpiable chose.

La Symphonie Héroïque sera un évènement littéraire. »

 

Voici quelques liens concernant cet auteur

Biographie :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Henry-Jacques

https://data.bnf.fr/fr/12118157/henry-jacques/

 

Œuvres :

Une édition récente de la Symphonie Héroïque de 1921.

https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=auteurs&obj=artiste&no=29318

Poème de HENRY-JACQUES.

https://poeme.a-lire.fr/2014/09/les-martyrs-henry-jacques.html

Note : ce poète « inconnu » doit être très connu de tous les scouts, éclaireurs et éclaireuses, louvettes et louveteaux qui, tous, ont un jour chanté « Dans le port de Tacoma », à l’origine «The Bank of Sacramento » dont Henry-Jacques adapta les paroles en français.

(C'est dans la cale qu'on met les rats,

Houla la houla !

C'est dans la cale qu'on met les rats,

Houla Houla la !  etc…)

 

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tacoma#Dans_la_culture_populaire

 

                                                               ***

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