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28 octobre 2018 7 28 /10 /octobre /2018 18:51

 

                Debout devant mon enclume,

                Prêt au travail me voici :

                Dès que l’aube au ciel s’allume

                Ma forge s’allume aussi.

Frappe, marteau, tors et façonne

Le métal qu’amollit le feu.

Que ta voix de fer, mon marteau, résonne

Pour glorifier le travail et Dieu.

 

                En vain la sueur m’inonde,

               Mes bras n’en sont que plus forts.

               C’est la sueur qui féconde

               Mon courage et mes efforts.

On m’en voit, comme une couronne,

Une perle à chaque cheveu.

Que ta voix de fer, mon marteau, résonne

Pour glorifier le travail et Dieu.

 

                Le riche, qui de ma blouse

                Détourne son œil railleur,

                Plus d’une fois me jalouse

                Ma gaîté de travailleur.

La gaîté, Dieu toujours la donne

A qui sait vivre heureux de peu.

Que ta voix de fer, mon marteau, résonne

Pour glorifier le travail et Dieu.

 

                J’aime à forger la charrue,

                Qui nourrit le genre humain ;

                Mais jamais le fer qui tue

Ne fut battu par ma main,

Sur terre il ne faut que personne

Avant son heure dise adieu.

Que ta voix de fer, mon marteau, résonne

Pour glorifier le travail et Dieu.

 

Pince, qui fend les carrières,

                Balcon, où l’on prend le frais,

                Soc, qui sillonne les terres,

                Marteau, qui brise le grès :

Qu’on laboure, taille ou maçonne,

Mon ouvrage sert en tous lieux.

Que ta voix de fer, mon marteau, résonne

Pour glorifier le travail et Dieu.

 

                Dans mon ténébreux asile

                Je vis plus heureux qu’un roi ;

                Lorsqu’à tous on est utile,

                On peut être fier de soi.

Cette forge que je tisonne

Du char du travail fait l’essieu.

Que ta voix de fer, mon marteau, résonne

Pour glorifier le travail et Dieu.

 

                Vive la forge qui brille !

                Dans cet enfer de charbon

                On dit qu’en été que je grille,

                Mais l’hiver il y fait bon.

Que toujours mon bras y moissonne

Le pain du jour, c’est mon seul vœu.

Que ta voix de fer, mon marteau, résonne

Pour glorifier le travail et Dieu.

 

                               ***

 

Ce poème est extrait de l’ouvrage suivant :

Souvenirs Poétiques de l’Ecole Romantique 1825à 1840 – Edouard FOURNIER – PARIS – Laplace, Sanchez et Cie – 1880 – P. 408-410.

 

Je reproduis ci-dessous la courte biographie qui le précède.

 

« Poète maçon, né en 1821, à Toulon, y fit, tout en travaillant de son métier, son éducation de poète par la lecture des tragédies de Racine. En 1840, à dix-neuf ans à peine, il publiait un premier recueil qui fut remarqué et chaudement recommandé par un de ses compatriotes, le légiste poète, Ortolan. Il vînt alors à Paris ; mais prudemment ne fit qu’y passer. Il publia chez Gosselin son second volume de vers, Marines ; répara -car le maçon ne s’oubliait jamais sous le poète,- la cheminée de la chambre de son hôtel, qui fumait, et s’en retourna au pays.

 Il y fut fait juge suppléant d’une justice de paix, puis secrétaire de la Chambre de commerce, et ne cessa pas,  pour cela, de faire des vers.

 Sa poésie était restée celle de l’ouvrier, qui chante son travail. Elle s’était simplement un peu plus étendue, d’abord dans son troisième recueil, le Chantier, puis surtout dans celui qui vint après, La Chanson pour tous où chaque corps d’état trouve son refrain et ses couplets, à commencer par le maçon, et à finir par le fossoyeur. Nous n’avons pas choisi la chanson de celui-ci, mais celle du Forgeron, plus consolante et plus gaie. »

 

Voici quelques liens concernant cet auteur :

 

Biographie.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Poncy

https://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:Charles_Poncy

https://www.pressreader.com/france/var-matin-la-seyne-sanary/20171029/281505046474241

http://vidas.occitanica.eu/items/show/2093?lang=fr

 

Œuvres :

http://data.bnf.fr/13480712/charles_poncy/

dont, sur Gallica, Poésies de Charles PONCY – Edition de 1846.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k37062t/f4.image

                                               ***

Dans un développement sur la nature des poètes -ouvriers que je trouve dans l’ouvrage suivant :

La Chanson Française – Béranger et son Temps- Introduction et Notes par Pierre BROCHON – Editions Sociales – 1953 – P. 18-21

je glane (p.21) ces quelques lignes qui concernent Charles PONCY :

« Charles PONCY, ouvrier maçon de Toulon, se voue d’abord à des poèmes descriptifs sur la mer.  Il faut que ce soit George Sand qui l’admoneste :

Vous avez un grand pas à faire (littérairement parlant) pour associer vos grandes peintures de la nature sauvage avec la pensée et le sentiment humain… Dans toutes les poésies où vous parlez de vous et de votre métier, Vous sentez profondément que si l’on a du plaisir à voir en vous l’individu parce qu’il est particulièrement doué, on en a encore plus à le voir maçon, prolétaire, travaillant. Et pourquoi ? C’est parce qu’un individu qui se pose en poète, en artiste pur, en Olympio, comme la plupart de nos grands hommes bourgeois et aristocrates, nous fatigue bien vite de sa personnalité… La plupart de vos marines sont trop de l’art pour l’art, comme disent nos artistes sans cœur. »

 

                                        ***

 

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