Epître à Messieurs du camp de Saint-Roch[1] – 1782.
Messieurs de Saint-Roch, entre nous,
Ceci passe la raillerie ;
En avez-vous là pour la vie,
Ou quelque jour finirez-vous ?
Ne pouvez-vous à la vaillance
Joindre le talent d’abréger ?
Votre éternelle patience
Ne se lasse point d’assiéger ;
Mais vous mettez à bout la nôtre.
Soyez donc battans ou battus ;
Messieurs du camp et du blocus,
Terminez de façon ou d’autre,
Terminez, car on n’y tient plus.
Fréquentes sont vos canonnades ;
Mais, hélas ! qu’ont-elles produit ?
Le tranquille Anglais dort au bruit
De vos nocturnes pétarades ;
Où s’il répond de tems en tems
A votre prudente furie,
C’est par égard, je le parie,
Et pour dire ; Je vous entends.
Quatre ans ont du vous rendre sages ;
Laissez donc là vos vieux ouvrages,
Quittez vos vieux retranchemens,
Retirez-vous, vieux assiégeans ;
Un jour ce mémorable siège
Sera fini par vos enfans,
Si toutefois Dieu les protège.
Mes amis, vous le voyez bien,
Vos bombes ne bombardent rien ;
Vos bélandres[2] et vos corvettes,
Et vos travaux et vos mineurs,
N’épouvantent que les lecteurs
De vos redoutables gazettes ;
Votre blocus ne bloque point ;
Et grâce à votre heureuse adresse,
Ceux que vous affamez sans cesse
Ne périront que d’embonpoint.
***
L’auteur des Chansons Madécasses n’est évidemment pas un « poète inconnu », mais il est plus connu pour ces chansons ou ses œuvres galantes et parfois érotiques que pour le genre de poème rapporté ci-dessus.
Ce texte est tiré de :
Œuvres diverses d’Evariste Parny – Tome scond.
A Paris chez
A. G. Derbay, Libraire, rue Saint-Honoré, vis-à-vis celle du Coq, n° 168,
L. Duprat-Duverger, Libraire, rue des Grands-Augustins, n° 21.
1812. P. 167-9.
Voici quelques liens concernant cet auteur :
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89variste_de_Parny
https://www.babelio.com/auteur/variste-De-Parny/249770
http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/evariste-de-forges-de-parny
http://www.larevuedesressources.org/les-chansons-madecasses-d-evariste-de-parny,1071.html
Et sur le siège de Gibraltar (le camp de St-Roch) par les Espagnols en 1782 :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8ge_de_Gibraltar_(1779-1783)
Poèmes (et citations) de Parny :
http://www.poesie-francaise.fr/poemes-evariste-de-parny/
https://www.franceculture.fr/emissions/poeme-du-jour-avec-la-comedie-francaise/evariste-de-parny-0
http://www.mon-poeme.fr/citations-evariste-de-parny/
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71354d.swf.f10.langFR
http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/evariste_de_parny/evariste_de_parny.html
http://www.unjourunpoeme.fr/auteurs/parny-evariste
Un ouvrage sur Parny :
http://www.editions-hermann.fr/4506-evariste-parny-1753-1814.html
[1] Le camp de l’armée espagnole, soutenue par les français, qui tentait de reprendre Gibraltar aux Anglais en l’assiégeant.
[2] Bélandre, nom féminin : navire de charge, à fond plat, de forme proche de la péniche mais possédant un gréement et prévu pour la seule navigation côtière ou sur les canaux et rivières.